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Voyage au centre de la BD
12 novembre 2008

Un pas vers la Bédéthèque idéale. Episode 4.

Bouchedudiable_couvDéjà associés pour La femme du magicien en 1986, François Boucq et Jérôme Charyn reprennent du service quatre ans plus tard avec Bouche du diable, un histoire d'espionnage un peu particulière. Certes, l'action se déroule en pleine guerre froide, de la fin de la seconde guerre mondiale au début des années 60, dans une école de formation d'agents secrets destinés à infiltrer l'ennemi. Rien de plus classique. Mais voila que l'affaire se corse car le personnage principal n'est pas un gentil Américain à la Ian Fleming ou à la John Le Carré, mais un vilain soviétique. C'est à un voyage au centre du NKVD puis du KGB que nous convie Charyn, dans les rouages de machines à broyer les êtres humains.
Bouche du diable, puisque c'est ainsi que l'on surnomme ce héros au bec-de-lièvre, ne sait pas très bien s'il est un être humain. Recueilli à l'enfance par une babouchka ukrainienne, il doit fuir devant la violence du chef de famille. C'est alors l'armée qui prend soin de lui. Une formation stricte mais enrichissante en fait un homme et un serviteur de l'Etat soviétique. Repéré très tôt comme un élément prometteur, il reçoit le terrible honneur de s'installer aux Etats-Unis comme agent dormant. Mais la proximité avec le rêve américain accentue la méfiance de ses supérieurs. Lorsqu'il devra être activé, saura-t-il se dévouer corps et âme à sa patrie ?
Finalement, plus que l'intrigue générale, c'est le destin de ce jeune Russe s'ouvrant à la vie qui donne toute la saveur au récit. Sorti de nulle part, aussi démuni qu'un oisillon tombé du nid, il va trouver sa place dans un monde inquiétant, peuplé de faux semblants. Mais son arrivée à New York et sa rencontre avec des ouvriers amérindiens l'ouvrent à une autre façon de voir la vie, en totale contradiction avec son existence de soldat. Ces constructeurs de gratte-ciel qui ignorent la peur du vide sont aussi rejetés par la société américaine que l'était Bouche du diable par ses camarades du centre d'instruction. La magie de cette confrontation, au sens propre comme au figuré, le transforme profondément, insinuant doutes et cas de conscience dans son esprit.

Bouchedudiable_01   Bouchedudiable_02   Bouchedudiable_03

Le trait de François Boucq sert parfaitement cette histoire d'espionnage à figure humaine. La reconstitution est parfaite et les personnages aux visages à la limite de la caricature participent à rendre l'atmosphère un tantinet lugubre. Les paysages urbains permettent au dessinateur de se (nous) régaler avec des perspectives dont il a le secret. La scène finale sur les toits de la basilique Saint Patrick, par exemple, est d'une lisibilité remarquable malgré la complexité des plans. Une trace de modernité dans cette bande dessinée qui rappelle les classiques du genre. Bonne lecture.

Images : © Charyn-Boucq / Casterman

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Commentaires
C
Personnellement, je préfère La femme du magicien, du même tandem.
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