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Voyage au centre de la BD
3 octobre 2008

C'est quoi un scénarimage ?

Oui, bien sûr, contaminés par l'impérialisme linguistique américain, tout le monde aujourd'hui dit storyboard. Et si moi j'ai envie de brandir l'oriflamme de la résistance francophone ? Si j'ai envie de rejoindre nos amis québécois (à l'origine de decoupage01.1260739977.jpgstoryboard-vannara1.1260740077.jpgce néologisme bien de chez nous) dans cette quête culturelle sans espoir ? D'une part, je trouve pour une fois ce francisme (?), francicisme (?), agréable à l'oreille. D'autre part, Vannara (dessinateur avec lequel j'ai réalisé la BD Le Territoire des ombres chez Glénat Québec) habite Montréal, et je veux le préserver des réactions violentes des intégristes de la langue de Molière Gilles Vigneault. Bref, quel que soit son nom, le scénarimage est une étape importante de la réalisation d'une bande dessinée. C'est le moment où le dessinateur traduit en image le découpage du scénariste. Des croquis, des esquisses, voire même des gribouillis suffisent pour faire comprendre la structure générale de la planche. L'essentiel est d'avoir une idée globale de la lisibilité de chaque page (sont présentées ici les planches 6 et 7 du Territoire des ombres). Le dessinateur présente en quelque sorte sa vision graphique des mots du scénariste. Et c'est souvent un grand plaisir de recevoir ces pages. La traduction en images d'une scène imaginée dans sa tête avec la storyboard-vannara2.1260740120.jpgdecoupage02.1260740018.jpgliberté, l'inspiration et les idées d'un autre. Le résultat n'est jamais décevant. Sauf pour les bulles. Il n'est pas rare en effet de découvrir en lisant le scénarimage que les dialogues ne fonctionnent pas. Ce qu'on avait construit patiemment autour d'un whisky on the rocks au coin du feu n'était qu'une vue de l'esprit. Pas assez nerveux, trop long, sonnant faux, manquant de détails. Bon à refaire, quoi. Mais ce n'est pas grave, car il est encore temps ici d'effectuer des modifications. Le dessinateur aura peut-être mal compris une description (je pars du principe, connu de tous, que le scénariste s'exprime toujours avec clarté) ou oublié un détail (il est évident que cette erreur ne viendra jamais du scénariste). Un coup de feutre, et c'est réglé. Et quand tout est parfaitement en place, ne reste plus alors qu'à sublimer le scénarimage en une planche flamboyante. Mais ceci est une autre histoire.

Qu'en est-il du côté des maîtres du 9ème Art ? Et bien chacun a sa méthode. Pour Broussaille, Frank Pé choisit le minimalisme. Quelques formes vite jetées sur le papier et vogue la galère. Ceci expliquant peut-être cela, si la structure globale de la page n'est pas modifiée, le résultat final est quand même assez éloigné du scénarimage. Changement de plan, de positions, de sens de lecture, de bulles, Frank n'a pas hésité à revenir sur un certain nombre de détails pour fluidifier la lisibilité.

crayonne-broussaille.1260740158.jpg 

Pour le scénarimage de Buddy Longway, Derib préfère un dessin d'une grande précision. La première page du Démon Blanc est particulièrement parlante puisque l'artiste suisse réalise deux versions (il est vrai que la planche d'introduction mérite un traitement spécial). C'est finalement celle de droite (légèrement modifiée !) qui sera choisie.

crayonne-derib.1260740271.jpg

Dans le style gribouillis, Lewis Trondheim se défend bien. Les dialogues sont à la limite du lisible (on peut toujours se référer au découpage s'il y a doute), mais les actions sont suffisamment claires pour que l'on comprenne bien leur déroulement. Charge au dessinateur de fignoler les attitudes, d'ajouter les détails et de remplir les vides.

storyboard-trondheim.1260740343.jpg 

Quant à Régis Loisel, il pousse le concept de gribouillage à son paroxysme. Contrairement à Trondheim, ce sont ici les dialogues les plus lisibles. L'action est parfois assez obscure, pour ne pas dire complètement confuse. L'artiste est même obligé de préciser la nature de certains traits (ici chaussure, là canne ou béquille). Passons sur les horaires d'avion griffonnés en haut de page et souhaitons-lui bon courage pour la mise au propre. Les génies sont parfois les seuls à se comprendre...

 

storyboard-loisel.1260740416.jpg

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